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La fosse aux Springboks.

 

 

Comme nous l’avions évoqué le mois dernier, il est temps de retracer plus en détails l’épopée de l’équipe de France de 1958.

 

Le Bourget, 27 joueurs issus de 14 clubs de France et de Navarre dans la nuit tiède du 6 juillet 1958, pull-over et foulards bleus, cravates Hermès,  décollèrent sans bruit.

Pendant que les journaux affichaient en pleine page les exploits de Fontaine et de Kopa en Suède, notre XV de France s’envolait pour 6 semaines au pays des Springboks.

Ils ne savaient pas à ce moment qu’ils graveraient  le 16 août 1958, comme l’an zéro du rugby français.

 

Le président Crabos était juste venu leur glisser à l’oreille, avant le départ : « les petits, soyez sportifs et bien élevés si vous pouvez gagner un match ou deux ce sera parfait, personne ne vous en voudra d’avoir perdu les autres… »

 

27 gaillards composés entre autre de 6 fonctionnaires EDF, 2 profs de gym, 2 dentistes, un médecin, un quincailler et un manutentionnaire… allaient dessiner pendant 6 semaines ce qui restera comme le grand combat du XV de France.

 

L’expédition s’avéra rocambolesque dès le départ puisqu’au-dessus du Sahara deux moteurs cessèrent  de fonctionner, ce qui obligea l’avion à voler en crabe et à se poser d’urgence à Kano (Nigéria)

 

Ces 2 jours passés à ronger leurs freins, cimentèrent  l’équipe plus solidement. L’histoire notera que l’épopée du maréchal Leclerc jusque Strasbourg était partie non loin de là.

 

Le premier match contre la Rhodésie fut une formalité. Le second contre le Transvaal fut plus accroché. A la 75ème minute, Danos tomba de tout son long ; Les infirmiers se précipitèrent pour brancarder Danos gisant au sol.

Malgré son état comateux, il se débattit furieusement. Les infirmiers, pour le calmer, l’assommèrent. C’en était trop pour les français excédés. Le poing de Roques fit sauter la casquette d’un infirmier et fendit la lèvre d’un autre.

On allait basculer dans le tragique, lorsque l’infirmier blessé, stoïque, cria: "vive la France" au garde à vous. Les français  perdirent le match d’un point.

 

Danos, en observation à l’hôpital pour la nuit, à demi comateux, délirait : « Ouvrez, ouvrez.. »

Pendant que ses compères dansaient en sifflant l’air du pont de la rivière Kwaï.

7 blessés en 2 matchs, l’hémorragie était effrayante.

 

La France disposa du Natal le match suivant et obtint le nul face à l’orange free state, juste avant le 1er test match.

 

Pour ce match qui sentait le soufre, les français à l’heure du déjeuner, se souciaient des Springboks comme de leur première mêlée. Ils chantaient à tue-tête la chanson de Margot qui fait pipi.

Les Boks, eux, étaient tendus à l’extrême.

Pourtant, ce jour-là à Capetown, Lucien Mias avoua : « pour la 1ère fois de ma vie, j’ai la trouille ».

Le match âpre se termina par un score nul de 3 partout, ce qui équivalait à une victoire pour les français:

"malgré Kano, malgré les blessés, malgré l’altitude, malgré tout…. Tra la la la lère, la France allait s’offrir une de ces noubas !"

 

La joie sera de courte durée, puisque, pour le 6ème match, les français furent laminés 38 à 8 contre la Western Province.

 

Il était  temps de repenser la mêlée et l’attaque. Vigier recadra le talonnage et Marquesuzaa l’attaque pour redresser le tir définitivement.

 

Une défaite et une victoire plus tard, il fallait affronter en avant dernier match l’équipe de South African Universities.  Le matin du match, on apprit que l’avion qui avait transporté l’équipe de France quelques jours avant s’était crashé…

Les parents du second de ligne Snyder (Universities) comptaient parmi les disparus.

Malgré la mise à disposition d’un avion pour qu’il  puisse rejoindre les dépouilles de ses parents, Snyder décida sans hésitation de jouer d’abord le match. Il accomplissait ainsi aux yeux de tous, un acte dont ses parents eussent été fiers.

Les français l’emportèrent le match 32 à 16 et se retrouvaient ainsi au pied de l’Everest, jamais franchi depuis 1896 : battre les Springboks sur leur sol, dans une série de test match.

Tout le pays voyait rouge, les journaux titraient : « le sang coulera samedi à Ellis Park » ; Le défi était immense.

Du fin fond de l’Afrique, Haroun Tazieff leur fit parvenir ce message : « sachez que jusqu’au cœur du plus grand volcan d’Afrique, tout le monde pense à vous ».

Sur les 27 joueurs partis du Bourget, 17 était valides, ou à peu près, car Mommejat pour jouer, devait retirer son plâtre et Quagglio et Carrère étaient au bout du rouleau. L’équipe de France allait devoir aller au bout d’elle-même.

La veille au soir, la pression montait. 100 000 spectateurs étaient attendus le lendemain à Ellis Park.

Dans leurs chambres, les français essayaient de trouver le sommeil. Il y avait dans l’air une épaisseur de drame. Lucien Mias, pas encore couché, était ivre comme un polonais. Il jouera le lendemain, l’un de ses meilleurs matchs.

Le 16 août, soleil éclatant, les français esquissèrent le chant du départ une dernière fois, chant qui n’atteindra jamais l’arrivée, puisque dans le car l’émotion était à son paroxysme. A 15h10 Mias s’engagea dans le tunnel étroit et sombre ;

Ils étaient sur le seuil du plus grand stade de rugby du monde, au bord de la fosse aux Springboks.

 

Ce que fit Mias à Ellis Park, ce 16 août est absolument inimaginable, un match comme on en joue qu’un dans une vie. Etait-ce les vapeurs du Rhum qui l’avaient mis dans cet état de délire rugbystique ou bien le sentiment de son apogée ou bien tout simplement cette classe mystérieuse qui avait fait passer 1000 fois la balle par ses mains ?

Il exaltait ses partenaires et sublimait la rencontre.

 

A la mi-temps, les boks menaient 5 à 3, l’essai de Barthe ayant été refusé.

A la reprise, les français n’étaient que 14, Lacaze était encore à l’infirmerie, la cheville flottante et douloureuse (Papillon reparut sous les applaudissements soigné par une piqure de novocaïne).

Un peu plus tard, c’est Dupuy qui  succombait à son tour, blessé au genou, alors que la bataille d’avants faisait rage. Barthe, au sommet de son art, sauva les français in extremis à la 56ème minute en revenant sur un ¾ aile Sud-Africain. A 5 mètres, Barthe rassembla tout qui lui restait de force et de détente pour stopper le sprinter Sud-Africain.

C’est lui encore qui avait eu la suprême énergie de se relever pour se replier dans la zone envahie. Il avait réceptionné la balle de Martine mais trop asphyxié pour botter en touche il prit la marée verte sur le râble. Les boks pouvaient prolonger leur attaque mais Stener et Marquesuzaa abattirent Fourie férocement.

Les français ne pouvant marquer s’en remirent aux pénalités et aux drops.

Lacaze tenta le drop-goal, la trajectoire était tendue, les 100 000 personnes tendirent le cou pour voir le ballon jusqu’au bout…

Les joueurs français levaient les bras mais le public n’y crut que lorsque Mr Ackerman, l’arbitre, leva les bras à son tour.

La France menait 9 à 5, deux coups de pied réussis par Lacaze… blessé au pied.

Roques étaient au paradis des piliers canonisés.

Pour la première fois depuis 1896, les springboks étaient battus sur leur sol. Un peu plus tard dans la soirée les joueurs célébrèrent cette victoire par le ban du pantalon, qui consiste à se déculotter et lancer en l’air tous les pantalons.

Lors du vol retour, ils ont chanté encore une fois la chanson de Margot qui fait pipi, et apres avoir rassemblé leurs tamtams, beaucoup de monde les attendait à l’arrivée à Paris. Le président Crabos était là. Tout le monde voulait aider Vanier, clopin-clopant. Brin d’osier était mal en point !

Ainsi s’achevait la grande épopée du XV de France.

 

Bilan

10 matchs, 5 victoires, 2 nuls, 3 défaites, 300 000 spectateurs et 30 000 km parcourus.

Test match : un nul, une victoire.

 

Les joueurs :

Marquesuzaa, Roques, Barthe, Carrère, Dupuy, Martine, Moncla, Quaglio, Stener, Danos, Haget, Lacaze, Mias, Mommejat, Vigier, Fremeaux, Roge, Barrière, De Gregorio, Rancoule, Celaya,

Baulon, Lacroix, Lepatey, Vannier, Echave, Casaux

 

Glop largement inspiré par Denis Lalanne. (merci à béa !)

A lire : Le grand combat du XV de France de Denis Lalanne.



01/08/2012
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